L’expression ‘’jeter le bébé avec l’eau du bain’’ signifie en quelque sorte ‘’se débarrasser totalement d’une chose sans tenir compte de ses aspects positifs ou bénéfiques’’. Elle pourrait bien s’appliquer à la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF).
Pendant plus d’un quart de siècle au moins, la gestion de la chose en Guinée a été une véritable catastrophe.L’enrichissement illicite à travers le vol, la corruption, la concussion, le détournement de deniers publics, la surfacturation, les fausses factures ont été quasiment érigées en normes. Des commis de l’État, au lieu de servir l’intérêt général, se servaient plutôt de leurs fonctions ou positions pour s’enrichir.
Les crimes économiques et financiers se succédaient d’un régime à un autre. Les opposants en particulier ne rataient aucune occasion de dénoncer ces fléaux en appelant à une meilleure gouvernance économique.
La création de la CRIEF, au lendemain du 5 septembre, apparaît dans une certaine mesure comme une réponse à la problématique de la moralisation de la gestion publique.
En 2010, la constitution prévoyait déjà que les crimes économiques sont imprescriptibles. Il en est de même de la loi anti- corruption en vigueur. Les oronnances relatives à la création de la CRIEF n’ont fait que reprendre cette règle. C’est dire combien la délinquance économique et financière était et reste encore une préoccupation.
Voilà la raison fondamentale pour laquelle presque tout le monde a applaudi la création de la CRIEF. Aujourd’hui, encore, ils sont sans doute des millions de guinéens qui croient que la création de la CRIEF est l’une des meilleures initiatives de la junte militaire
Si cette juridiction fait l’objet de nombreuses critiques actuellement et est perçue par certains comme un instrument de réglements de comptes et d’élimination d’acteurs politiques sous le prétexte d’un prétendu renouvellement de la classe politique, c’est en raison de quelques-uns de ses choix.
Le fait par exemple d’avoir “déterré” des dossiers vieux de plus de vingt ans alors qu’il en existe d’autres plus récents et dont les éléments sont plus faciles à trouver a créé des suspicions quant aux réelles motivations de la CRIEF. Par ailleurs, la gestion procédurale et médiatique de certains dossiers a fini par convaincre d’autres citoyens que tout n’est pas parfait dans son fonctionnement.
Mais en dépit de tous les reproches et critiques qu’on peut lui faire, la CRIEF demeure un outil très utile, au moins, en termes de symbole et de volonté de traquer les bandits à col blanc. L’échec de cette juridiction sonnera comme celui de la lutte pour une gestion plus vertueuse de la chose publique.
C’est pourquoi, les magistrats de la CRIEF doivent prendre conscience de leur responsabilité historique- le mot n’est exagéré- en vue de mener à bien la mission qui leur est confiée.
Me Mohamed TRAORE