Je ne suis pas expert en Droit. Mais je sais comment soulager le ventre creux et la tête en feu du peuple qui a faim. Quand on a bien servi son peuple, on reste dans les cœurs. Je pense que je suis dans les cœurs de mes concitoyens. Je n’ai pas cherché à être riche mais, à la fin, je suis enrichi de l’amour du peuple”
Jerry Rawlings
Le vendredi 1 octobre 2021, Mamadi Doumbouya est officiellement investi Président de la Guinée. Moment d’enthousiasme, d’euphorie et d’espoir après les décevantes années Condé.
La ferveur autour du Lieutenant-Colonel, devenu Colonel tout court, grade qu’il s’est octroyé lors de son investiture-charité bien ordonnée commence par soi-même-, était si contagieuse qu’elle s’est répandue hors des frontières de la Guinée. Au Sénégal, notamment, où certains beaux esprits avaient des yeux de Chimène pour Doumbouya et voyaient en lui un libérateur.
Chez une certaine catégorie d’intellectuels sénégalais et dans une partie de l’opinion de l’opinion publique, pour gagner des des galons de respectabilité, il suffit de deux postures : un discours (souvent simpliste) anti-impérialiste et l’opposition au troisième mandat. Doumbouya cochait les deux cases.
Et ceux qui alertaient sur le personnage ou s’opposaient par principe à l’option du coup d’État militaire, étaient taxés de tièdes, de réfractaires ou de radoteurs.
Pourtant dès le début, l’homme fort de Conakry affichait des signes inquiétants. En déclarant “nous n’avons plus besoin de violer la Guinée, on a juste besoin de lui faire l’amour, tout simplement “, formule qui sans doute restera gravée dans le marbre de la postérité, l’on se serait cru revenu aux sinistres pantalonnades d’un autre militaire putschiste guinéen, Moussa Dadis Camara.
Première impression déplaisante renforcée lorsqu’à l’instar de son navrant prédécesseur, il convoqua les ministres sortants et les présidents des institutions à une réunion au Palais du peuple, en leur stipulant au préalable que “tout refus de se présenter” serait “considéré comme une rébellion ».
Cela conjugué aux images d’un Alpha Condé arrêté, dépouillé de toute sa dignité institutionnelle et traîné comme un trophée de guerre à bord d’un pick-up dans les rues de la capitale guinéenne, pouvait nous faire croire que Doumbouya ne serait finalement qu’un épigone des Idy Amin Dada, Jean Bédel Bokassa, et autres militaires ayant laissé une triste empreinte à leurs contemporains…
Ainsi avant la dernière Coupe d’Afrique des Nations, Doumbouya a ressuscité les mânes de Robert Guei en menaçant les joueurs du Syli national de représailles en cas de mauvaise performance. Après leur campagne mitigée au Cameroun, seuls trois internationaux ont regagné Conakry. Les autres, craignant visiblement une humiliation en mondovision, ont préféré poser directement leurs pénates dans leurs clubs respectifs.
Tout cela peut sembler anecdotique, mais était ô combien révélateur de la vraie nature du personnage. Depuis quelques mois, le dictateur, n’ayons pas peur des mots, a poussé le cran un peu plus loin. Une ambiance de terreur règne à Conakry. Les opposants sont placés sous étroite surveillance, quelques barons de l’ancien régime ont été arrêtés manu militari, et les récentes manifestations, à l’initiative d’organisations de la société civile, ont été réprimées avec brutalité : cinq personnes ont été tuées les 28 et 29 juillet.Hier, le Colonel a tout simplement dissous le Front national de la défense de la Constitution (FNDC), organisation à l’avant-garde de cette contestation populaire contre la junte. Doumbouya les accuse de « mettre en péril l’unité nationale, la paix publique et le vivre ensemble”.
Ce coup de Jarnac a au moins le mérite de dessiller les yeux de ceux qui voyaient Doumbouya une sorte de Thomas Sankara voire de Jerry Rawlings, sorte de despote éclairé très adulé de nos jours. Les condamnations pleuvent.
Ils ont fini par se rendre compte que Doumbouya n’est finalement qu’un Dadis Camara en Ray-Ban