Une analyse de Dr Oumar Barry
FRIA, un nom qui évoque une aventure industrielle inédite en Afrique. La première « usine d’alumine en terre africaine ». L’expérience était ambitieuse chez les stratèges industriels français, en tête l’entreprise Pechiney. Prenons gardes ! Bien que porté par les pouvoirs coloniaux français, à la suite de la découverte accidentelle par les ingénieurs de Pechiney d’immenses gisements de bauxite dans la région de Sombori, sur le plateau de Kimbo, lors du tracé de la ligne électrique du projet d’exploitation de la bauxite Débélé. FRIA était un projet industriel qui associait dans un consortium plusieurs entreprises internationales, dont l’actionnaire majoritaire était l’américain Olin Matheson. Pour des raisons politiques, Pechiney assurera le lead du projet. Les pouvoirs publics français soutiennent le projet en injectant plus de 200 milliards de francs pour construire les infrastructures publiques et sociales d’appuis au projet ; équipements, voiries, quatre ponts sur le Konkouré à Tanéné, administration, l’hôpital Pechiney. La MARG (Mission d’Aménagement Régional de la Guinée) est créée à cet effet pour soutenir le développement du projet grâce aux idées de Paul Masson, administrateurs des colonies. A côté de l’usine, une nouvelle ville pousse près du hameau indigène de Sabendè et du village éponyme de Fria (La société portera symboliquement le nom du village). Au fil des années, le robinet de la rente industrielle va couler et irriguer la ville. L’eau, l’électricité, l’assainissement, la santé, les vivres, l’essentielles des commodités de la ville provenaient du robinet de la rente de l’alumine. Une qualité de vie appréciée, meilleure qu’à Conakry, mais sous perfusion économique de l’usine. En 2012, une crise syndicale va provoquer l’arrêt de l’usine, entre temps reprise par Rusal, en 2002, après une série de crises sociales et économiques depuis 1989. Du jour au lendemain, la ville sombre, s’enfonce dans la misère, bref, le « Petit Paris » devint une ville fantôme. Fria n’est pas seule en Guinée, de ville minière sous « assistance respiratoire des entreprises minières ». Banankoro, autrefois célèbre pour ses joailleries, ses belles mosquées, son dynamisme démographique et économique, grâce à la rente diamantifère de Aredor, vie un autre drame social assez sévère, quoique moins médiatisé. Banankoro, la belle « Toukoro » a perdue toutes ses rivières, ses bas-fonds et ses humides terres agropastorales, trouées par des années d’excavation pour la recherche de la pierre précieuse, le diamant.
Les prémisses d’un « Fria bis » dans la région de Boké ?
L’Histoire n’est pas finie ! Dans la région de Boké, Kamsar et Sangaredi sont deux ilots de prospérité relative nées dans les bras de la CBG. Depuis 1973, l’entreprise minière est la principale « fontaine » qui fournit l’eau, le courant, les services de santé, la plupart des infrastructures sociales. Nul besoin d’hypothéquer sur « l’avenir » qui attend tristement ces deux (2) « villes rouge » sans la CBG. La racine du mal semble incruster dans le nombril. Depuis 1958, la Guinée vit de la rente minière, aujourd’hui encore près de 30% des recettes publiques de l’Etat proviennent de la rente minière, sans aucune alternative sérieuse de diversification en vue.
A quand l’ouverture de la caverne d’Ali baba ?
Les initiatives portées par les gouvernements précédents pour redistribuer les revenus miniers (FODEL, ANAFIC), en faveur des populations dans des secteurs structurants, ont été grippées par des considérations politiques et clientélistes. Le gouvernement de la transition semble se détourner de toute démarche visant à auditer la gestion de la rente minière versée dans les institutions publiques ces dernières années. Entre autres ; les 135 milliards GNF du FODEL, les 86 milliards GNF du FIM, les 408 milliards GNF de l’ANAIM, les 31 milliards GNF de la SOGUIPAMI, les 224 milliards GNF de l’ANAFIC (ITIE 2020). Le télescopage des intérêts des « lobbys » anciens et nouveaux a eu raison de la bonne volonté du « colonel ». L’atout de scandale géologique régulièrement brandi pour « vernir d’espoir » l’avenir de la Guinée n’est, en réalité, qu’un somnifère politique destiner à détourner l’attention sur l’incapacité d’un pays à sortir du « Tout Mines ». Le propre des Etats improductifs, qui vivent du cash qui coule des vannes ouvertes par les entreprises minières. Les mines rapportent peu, c’est une évidence, mais qu’a t on fait de ce peu ?
Une Alternative ?
En 1958, la Guinée exportait 100.000 tonnes de bananes, faisant du pays le plus gros exportateur de cette denrée dans l’espace francophone. Espérons ! l’Etat pensera à convertir ce capital naturel (les ressources minières), en capital humain, institutionnel, technique, agropastoral, véritables facteurs de développement.
BARRY Oumar Totiya, Doctorant en Sciences Politiques à l’Université de LYON, chercheur sur les industries extractives.