M’Pouna, enseignant à Youkounkoun
KOUNDARA- Youkounkoun, est l’une des six sous-préfectures de Koundara, ville cosmopolite située dans le nord de la Guinée. Elle est située à 23 kilomètres de la préfecture. C’est dans cette contrée que naquit Loni Alotène, résistant Coniagui à la pénétration coloniale. Africaguinee.com vous replonge dans l’histoire de ce guerrier peu connu.
Alotène, c’est l’un des leaders noirs africain de Guinée dont on parle moins dans les livres d’histoire des résistants à la pénétration coloniale. Et pourtant, il s’est farouchement opposé au colon blanc après avoir mis en déroute des envahisseurs peuls qui cherchait à propager l’islam. L’histoire de ce résistant remonte dans les années 1900. Rencontré ce 22 décembre 2022, Raphaël M’Pouna, enseignant à Youkounkoun, nous a fait voyager dans le temps pour narrer la belle histoire de ce résistant. Explications.
C’est Ikoungou qui a donné nom à Youkounkoun. L’histoire commence au moment des guerres de conquête, notamment avec les peuls venus du fouta djallon. Le nom Coniagui a été attribué par les envahisseurs peuls, sinon le vrai nom de cette ethnie c’est Vounye
« Quand les peuls ont tenté d’envahir le peuple Coniagui, à l’occurrence Itchou, où résidait le chef de la province du Sud, Loni Alotène, ils n’ont pas pu. A plusieurs reprises les envahisseurs ont été mis en déroute grâce au courage et à la magie de ce vaillant peuple. Après avoir échoué à maintes reprises, ils ont reçu la première invasion du colonisateur. Ils ont formé une alliance.
Dans leurs causeries, ils ont dit aux blancs qu’ils ont connaissance d’un peuple vers le Sud qui est invincible. Ils faisaient allusion aux Coniaguis. Ils ont dit : ko niaquis (c’est des abeilles). Dans leur accord, ils ont écrit comme ça pour dire : “c’est les abeilles”. Il y avait une rivière là où les envahisseurs quand ils étaient pourchassés se limitaient. Cette rivière s’appelle désormais ( Kourè et Niaquis), littéralement traduit les balles des abeilles.
Alors, les Français leur ont dit qu’il n’y a pas un peuple dans ce monde qui ne soit pas invincible. Ils ont demandé à ce qu’on leur montre où se trouvent ces gens qu’ils qualifiaient d’invincible. Aussitôt, ils ont fait un programme pour venir voir ce peuple (Coniagui) pour tenter de le dominer pacifiquement. Mais s’il refuse, ils useront par la force.
Ils sont venus un jour, pendant que les Coniaguis étaient dans la ferveur de préparation d’une fête appelé ” Sampatchié”, (c’est la fête de l’accession de la fille Coniagui à la classe sociale des femmes).
Ils sont arrivés par Boussoura, en passant par Ousséchi, puis Iknoun et enfin Itchou. A l’entrée du village, ils ont trouvé un fromager à terre où ils s’y sont reposés. Et c’est là-bas où ils ont demandé où était le chef du village, des gens leur ont indiqué le lieu. Ils (blancs) ont demandé qu’on aille appeler le chef du village (Loni Alotène) pour lui dire qu’il a des étrangers. L’émissaire du roi a demandé quel genre d’étrangers ? D’où viennent-ils ?
Il lui a dit que c’est un étranger à la peau blanche, il vient de Boussoura et il est avec des gens de là-bas. Loni Alotène a dit qu’il est d’accord avec les autres (de peau noire), mais celle Blanche, non. La causerie a continué entre eux mais il leur fait savoir qu’il ne se rendrait pas. Il a envoyé plutôt son “Mansarin“. Chez nous, c’est le digne fils du chef. Il obéit à la lettre son père. Alors le Mansarin est allé voir le blanc pour lui dire retourner de là où il venait. A trois reprises, Loni Alotène a refusé de se rendre.
Les blancs sont revenus encore. Et là également, le Mansarin a été dépêché par le chef, il était accompagné d’une fille, un bélier et une gargoulette d’eau. Il est allé à la rencontre des blancs pour leur dire que c’est jusqu’à ce niveau qu’il pouvait les recevoir. Qu’ils (blancs) prennent l’eau et le bélier c’est pour eux et qu’il ne voudrait pas une effusion de sang. Quand le Mansarin leur a transmis le message, les blancs ont tranché une oreille de la fille et ont tué le bélier. Le Mansarin a fui pour aller rencontrer à son père. Cet acte des blancs était un signe de déclaration de guerre. A cette époque, on ne trouvait pas si facilement d’armes.
Chez nous, c’est le fusil de chasse, l’arme qu’on appelait ” Nokkka lowa”. C’était d’usage en poudre. Et cette poudre était servie aux rois par les chefs du village qui étaient sous son contrôle. Ils étaient très nombreux. Donc, Loni Alotène était le premier à mener une attaque contre les bancs avec les Coniaguis. Au cours de cette guerre, il y avait eu beaucoup de morts. C’est au cours de cette guerre que le lieutenant Mont Gorgé fut tué. C’était en 1902. Quand il est tombé sur le champ de bataille par coup de flèches, les abeilles ont poursuivi le reste des combattants. Puisque c’était chaud, les gens ne savaient pas d’où ça venait. Avant lieutenant Mont Gorgé, il y a eu d’autres officiers, mais eux, ils étaient dans Gaoual.
A l’époque, Youkounkoun n’était pas subdivisé. C’est quand les Français ont conquis Youkounkoun, c’est en ce moment qu’elle est devenue une subdivision. Mont Gorgé a été tué dans sa conquête de Youkounkoun par des guerriers Coniaguis. Il a été enterré dans les cimetières blancs à Youkounkoun. Les Coniaguis qui sont tombés sur le champ de bataille, eux, ont été inhumés à Itchou ».
Comment Loni Alotène a perdu son territoire ? Ceci fera l’objet d’un autre article.
Siddy Koundara Diallo, de retour de Youkounkoun
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