monde entier, pays développés, comme pays en développement, célèbre le 8 mars comme journée internationale de la femme. Cette fête n’est-elle pas la meilleure occasion de se poser les questions qui entravent ou ralentissent l’autonomie de la femme ?
Les crises successives causées par le COVID 19, la guerre entre Ukraine et la Russie ont exacerbé les inégalités entre les pays pauvres et aussi surtout entre les hommes et les femmes, notamment dans les pays du Sud comme le nôtre, la Guinée. Ce contexte global a accentué les pressions sur les gouvernements pour l’adoption de politiques macro-économiques mieux appropriées aux situations des citoyens et citoyennes, mais aussi pour une augmentation et une répartition équitable des ressources. Les gouvernements sont donc amenés à mettre en œuvre plus de programmes sociaux dans la transparence et avec plus de responsabilités.
Par conséquent, intégrer une perspective de genre dans le processus budgétaire en Guinée pourrait permettre de répondre aux attentes des femmes, hommes et couches vulnérables. Car l’approche consiste à analyser le budget national avec les outils d’analyse basés sur le genre pour évaluer leur impact sur la répartition des dépenses et revenus du budget de l’état. Le budget national est la déclaration politique reflétant les priorités sociales et économiques d’un gouvernement (Budlender 2002, Bakker 2006). Cependant le Budget national du gouvernement n’est pas neutre. Car il ne distingue pas les réalités des femmes de celles des hommes. Pour résoudre ces problèmes d’inégalités dans la répartition des ressources, les chercheurs féministes économistes ont proposé une approche appelée Budget Sensible au Genre pour analyser le budget du gouvernement.
En effet, le Budget sensible au genre n’est pas un budget séparé pour les besoins des femmes. C’est une approche qui consiste à intégrer l’analyse de genre dans le budget national. Cela implique d’évaluer les politiques et programmes existants avec une perspective de genre pendant le processus d’élaboration du Budget (Conseil européen 2005).
Au cours des 30 dernières années, le budget genre a gagné en importance et a reçu une impulsion supplémentaire lors de la quatrième conférence mondiale sur les femmes, tenue à Pékin en 1995, qui a appelé les pays à assurer l’intégration d’une approche basée sur le genre dans les politiques et programmes des gouvernements. L’approche a fait l’objet de plusieurs recherches, voire Elson (1998) ; Budlender (2003) ; Stotsky (2006) ; Bakker (2007) et O’hagan (2018), qui ont questionné la répartition des ressources de façon équitable et basée sur le genre. Elles ont cherché à comprendre la manière dont les dépenses, les revenus et la politique fiscale affectent différemment les femmes et les hommes à travers l’analyse du budget national. De plus, les gains macro-économiques résultant de l’égalité des sexes et de la participation des femmes au marché du travail ont été amplement démontrés.
Par ailleurs, il est important de souligner que plusieurs pays d’Afrique Sub- Saharienne (Rwanda, Afrique du Sud, Mozambique, Tanzanie, Ouganda, Éthiopie et Cameroun, Bénin, Gambie, Ghana, Nigeria, Mali, Sénégal, Zimbabwe) ont adopté et mis en œuvre une forme de budget sensible au genre et utilisé la politique et l’administration fiscales pour promouvoir l’égalité des sexes et le développement des femmes.
Les récentes études montrent que les pays comme le Rwanda, Ouganda et l’Afrique du Sud et le Ghana ont réussi grâce aux changements des politiques fiscales ou par les procédures d’élaboration des budgets.
En Guinée, il y a eu quelques avancées en matière d’égalité des sexes. Des cadres légaux et institutionnels ont été créés, instruments, textes, lois, ratification des conventions internationales et de documents d’orientation politique majeure (Politique nationale du Genre) ont été adoptés. Cependant, les indicateurs classiques sont alarmants. Avec une population de 12 millions d’habitants, la pauvreté est marquée au niveau des femmes qui représentent 52% de cette population. Le taux d’alphabétisation des femmes de plus de 15 ans est de 14% contre les hommes de 47%. De plus, les femmes ont accès limite à une éducation académique de qualité, aux connaissances et aux ressources. Ce qui les empêche d’accéder à des postes de responsabilité ou politique. Elles sont sous-employées (30%) dans l’administration publique. Elles vivent pour la majorité en milieu rural et ont un accès limité aux soins de santé et à l’eau potable.
Malgré tout l’espoir est encore permis, car Vision Guinée 2040, par la transformation économique durable et inclusive, ambitionne de résoudre la problématique des inégalités basées sur le genre à tous les niveaux. Pour accélérer le processus de réduction des écarts entre les sexes, il faudra intégrer la perspective de genre dans le processus du cycle budgétaire du gouvernement.
En cette journée du 8 mars, posons-nous les vraies questions ? Ces questions ne sont autres que la réduction de l’écart des inégalités entre les femmes et les hommes dans notre pays. Les solutions passent nécessairement par la volonté politique, l’adoption et la mise en œuvre de politiques budgetaires sensibles au genre, mais surtout par l’implication active des politiques, des législateurs, des organisations de la société civile, des chercheurs et organisations des femmes et partenaires multilatéraux pour enfin, commencer un début de réflexion sur cette innovation qu’est le Budget sensible au genre. L’égalité des sexes et l’avancement de la femme guinéenne contribueront à rendre la société Guinéenne plus juste et meilleure.
Sérégbè Keita
Doctorante en Etudes politiques
Université d’Ottawa