Dans ce pays sahélien, les violences basées sur le genre comme les mutilations génitales féminines (MGF) et le mariage forcé constituent un phénomène d’ampleur nationale reconnu par l’État.
L’Allemagne a alloué 1,25 million de dollars (plus de 761 millions de francs CFA) pour financer un nouveau programme visant à lutter contre les violences basées sur le genre (VBG) que subissent les femmes et les filles au Mali et à y améliorer l’accès aux services de Santé sexuelle et reproductive (SSR).
La mise en œuvre de ce programme a été confiée au Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA, en anglais), l’agence directrice de l’ONU spécialisée en charge des questions de santé sexuelle et reproductive. Couvrant la période entre 2024 et 2026, ce programme sera déployé dans quatre communes maliennes : Tombouctou (centre), Gao (ouest), Ségou et Mopti (sud), a fait savoir l’UNFPA. Il a été conçu pour « renforcer la résilience des communautés » de ces communes « en luttant contre les violences basées sur le genre et en améliorant l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive », a-t-on ajouté.
L’implémentation du programme a fait l’objet d’un accord de partenariat signé entre l’ambassadeur allemand au Mali, Dietrich Pohl, et la Représentante résidente adjointe de l’UNFPA au Mali, Mme Anandita Philipose.
Qu’est-ce que la « violence à l’égard des femmes » ?
Selon la Déclaration des Nations unies sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, celli-ci désigne « tous actes de violence, dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée ».
Elle englobe, sans y être limitée, la violence physique, sexuelle et psychologique exercée au sein de la famille, y compris les coups, les sévices sexuels infligés aux enfants de sexe féminin au foyer, les violences liées à la dot, le viol conjugal, les mutilations génitales et autres pratiques traditionnelles préjudiciables à la femme, la violence non conjugale, et la violence liée à l’exploitation. Elle englobe aussi la violence physique, sexuelle et psychologique exercée au sein de la collectivité, y compris le viol, les sévices sexuels, le harcèlement sexuel et l’intimidation au travail, dans les établissements d’enseignement et ailleurs, le proxénétisme et la prostitution forcée.
L’instabilité exacerbe la vulnérabilité
L’instabilité dans la région du Sahel contribue à exacerber la vulnérabilité des femmes et des filles. Les rapports sur la violence sexuelle et sexiste indiquent que la violence comprend des abus et une exploitation généralisés, la traite, les mariages forcés et les mariages d’enfants, les grossesses non désirées, et une augmentation des viols et autres formes de violence sexuelle en raison de la persistance des conflits, de la violence et de l’insécurité.
Au Mali, les VBG comme les mutilations génitales féminines (MGF) et le mariage forcé constituent un phénomène d’ampleur nationale reconnu par l’État. Dans ce pays, 89 pour cent des femmes âgées de 15 à 49 ans et 73 pour cent des filles âgées de 0 à 14 ans sont excisées, à en croire la sixième Enquête Démographique et de Santé du Mali (EDSM-VI) réalisée en 2018 par l’Institut National de la Statistique (INSTAT) et publiée en 2019. D’après cette enquête, 45 pour cent des femmes âgées de 15 à 49 ans ont subi des actes de violences physiques ou sexuelles au cours de leur vie.
Les femmes qui subissent des VBG au Mali s’en sortent souvent avec des séquelles qui peuvent être des blessures, des incapacités d’activités, de l’amaigrissement, des soins médicaux, de l’hospitalisation, de la dépression, de l’anxiété, de la crise de panique, de la perte de confiance en soi, des sentiments de vulnérabilités, des troubles de sommeil, des difficultés de concentration, de la consommation d’alcool ou de produits toxiques et du fait de contracter des maladies, selon l’étude « Violences basées sur le genre, pratiques néfastes et santé de la reproduction dans les zones d’intervention du projet spotlight » de 2020.
En 2023, près de 16 000 incidents de VBG ont été documentés au Mali contre 14 264 cas signalés en 2022, selon des chiffres relayés par l’UNFPA. Le Mali dispose de 20 Centres d’accueil et de soins pour les femmes et les filles victimes de VBG, communément appelés « One-Stop Center » (OSC), dont 17 mis en place grâce au soutien financier de l’UNFPA. Les OSC, également appelés « Guichets uniques » sont des centres de prise en charge holistique et multidisciplinaire des personnes survivantes de VBG.
Par Elyes Jouini
Avec DPA et German News service